On ne meurt pas qu’au Qatar

Impossible d’y échapper, l’actu tourne autour du foot. De ma fenêtre chaque jour je vois les centaines de tonnes des aciers du stade Vélodrome se déplacer au rythme d’un métronome. Ne vous méprenez pas, je regarde c’est tout. Je n’ai rien à voir avec LE chantier de Marseille du moment (à mon grand regret).

Stade de Lusail – Qatar (architecte Foster and partners)

Difficile aussi de passer à coté, lorsque l’info arrive jusqu’à nous, que des compagnons meurent sur les chantiers de la prochaine coupe du monde de foot. L’info fait la une.
44 personnes depuis le début de l’année ont perdu la vie sur les chantiers de Doha et de Lusail entre autres. Ils sont exploités, mal nourris, et en danger. C’est un scandale !

D’ici 2020, l’info sera oubliée et le foot aura repris toute sa place. Rien ne doit arrêter la machine à construire et encore moins le sport-spectacle. Et c’est un scandale (aussi) !

Al-Kohr stadium (architecte ….)

Il est temps que je vous donne mauvaise conscience, un peu, et que je vous révèle un autre scandale. A force de regarder au loin, on aurait tendance à oublier ce qui se passe chez nous. 25% des accidents mortels du travail arrivent dans le secteur du bâtiment. Je ne parle pas des architectes, leur plus grand risque c’est la tendinite de l’index ou la dépression post-chantier.

Ces accidents sont situés sur site, ce ne sont pas des accidents de la route (trajet travail-domicile).
Sur les chantiers français, 3 accident mortels par semaine ! En dix ans,1500 compagnons ont perdus la vie sur un chantier !

Votre stade préféré porte le nom d’un joueur célèbre, mais plus aucune trace de ceux qui y ont laissé un morceau ou la vie…
Le stade vélodrome a eu son drame il y a quelques semaines, cet homme-là restera handicapé à vie après avoir été percuté lors de la chute d’une poutrelle.

Le bâtiment est un dévoreur d’homme, les mécaniques, la pression, la vitesse d’exécution ne pardonnent pas. L’inconscience aussi. En tant qu’architecte, et je crois parler au nom de tous mes confrères, la sécurité est la première de mes préoccupations. Avant de me féliciter d’avoir terminé dans les temps (ce qui n’est pas toujours le cas), je me réjouis de terminer le chantier sans blessé (ce qui doit toujours être le cas).

Un de mes premiers ‘mentor’ dans le métier disait « il n’y a qu’une économie qu’on ne fait pas sur un chantier, celle de la vie. »

Plus pragmatique, un confrère et ami me répète souvent qu’il fait très attention à la sécurité parce que « c’est que des emmerdements en cas d’accident, et j’ai pas que ça à faire (sic) ».

Il est bon de s’indigner de ce qui se passe dans le lointain Qatar, mais parlons aussi des 11 000 invalidités permanentes (accidents et maladies) et 150 décès annuels en France.

statistiques inrs

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