Des voeux en béton

« Le président de la République présente ses vœux au monde de la culture…  »
Une invitation parmi d’autres en ces temps de vœux répétés d’une année 2012 moins pire que la précédente et que celle d’avant et que celle d’encore avant ! Au fait, depuis quand elle dure cette crise économique ?
Enfin, comment ne pas y aller, me dis-je, au moins, il y aura des petits-fours et je pourrais admirer l’œuvre en gestation de notre turbulent trublion de Ruddy Ricciotti (dont je vous ai déjà parlé ici même, premier architecte à entrer dans le blog, un hasard sans doute).


Si je sais une chose des interventions innombrables de ce président-ci (qui ne m’intéresse pas plus que les autres, mais qui fait plus de bruit) c’est que la culture n’est pas son fort (les plus vifs d’entre vous se demandent St Jean ou St Nicolas?).
Mitterrand était un esthète, Chirac un mécène, celui-ci …    il nous faut voir.

Une fois sur place, le froid mordant du mistral d’hiver ne permet pas une grande concentration, j’attrape seulement quelques bribes:
« La création, ce n’est pas simplement créer, c’est créer puis diffuser. Sans diffusion, la création n’existe pas. »
Ca commence bien. Mozart (cité dans le discours) et les impressionnistes (cité dans le discours) vont se retourner dans leurs tombes. Oublié tout ce qui fut créé dans l’ombre, cela n’existe pas !
« Bref, on nous demande à pratiquer un désarmement unilatéral à l’égard du piratage. Mais qu’est-ce qu’il restera des créateurs, une fois qu’on les aura désarmés ? « 

(à ce moment, je regarde longuement autour de moi, vaguement inquiet)
Des créateurs armés ? Ca se complique…
« il y a une citation de GRAMSCI qui, au fond, résume tout : La crise, c’est « l’ancien monde qui n’arrive pas à mourir, tandis que le nouveau ne parvient pas à naître » »
Un vague doute, un lointain souvenir, vite mon ami wikipedia:
Antonio Gramsci est un philosophe marxiste italien de la première moitié du XX siècle membre fondateur du parti communiste italien.

chantier du MuCEM

Là, j’en suis sûr, le surmenage guette.(Ou le copié collé invérifié, on ne sait pas trop). Monsieur le président, vous avez parlé de financement, d’argent et d’investissement pendant les 45 minutes de ce discours. Où est la culture ? Ce bien aussi indispensable que la nourriture (sic).

Vous confondez le galet poli par l’eau et le sel, emporté au fond d’une poche, et l’essentiel si futile et pourtant si indispensable. Le galet, je vous le laisse, je me réserve le bruit furtif du ressac, la forme fluctuante de la vague et le dessin jamais redoublé du sable marié à la lumière. Je vous laisse l’objet, je garde l’art.

Permettez moi, à mon tour, Monsieur le président, de souhaiter mes meilleurs vœux au monde de la culture, aux créatifs cachés dans leurs facs ou leurs squats, aux danseurs des rues, aux dessinateurs de bancs d’école, aux architectes bien sûr, qui font cent esquisses pour ne pas gagner un seul concours. A tous ceux, en somme, qui font que l’art n’est pas à vendre et que le talent n’a rien à démontrer.

le discours complet sur le site de l’Elysée