Encore une fois un projet de loi qui défend l’architecture disparaît avant même de naître. Encore une fois le manque cruel d’élus architectes ne permet pas de défendre la profession. N’en déplaise aux contempteurs, il n’y a pas de lobby d’architectes, le corporatisme chez nous est aussi peu développé que le sens du bien public chez le promoteur.
Je n’ai pas le courage de faire un long texte pour expliquer comment les droits des concitoyens sont petit à petit grignotés au profit du profit, au détriment de la qualité de vie, de l’urbanisme, du paysage. C’est le travail d’un syndicat d’architectes, le rôle de l’ordre des architectes, d’un ministre même**, pas celui d’un blogueur.
Mais je peux raconter des histoires. Il était une fois un décret…
Si l’on considère, et c’est mon cas, que la loi de 1977 a été manipulée pour transformer les 170m² en 200m² shon*. Si on estime qu’au dernier jour de son mandat un président a autre chose à faire que de s’occuper des architectes. On ne peut que trouver cette histoire… cocasse.
Voici comment la scène aurait pu se passer, ceci est donc une fiction, pour autant ce décret a bien été signé au lendemain de l’élection présidentielle. Peut-être même est-ce le dernier décret signé par François Fillon alors premier ministre :
« Le 7 mai 2012, au lendemain d’une défaite mordante aux élections présidentielles, entre deux cartons et 3 coups de fils, le futur ancien premier ministre de la France, attend son taxi pour rentrer chez lui. Se présentent les membres éminents de la confédération des constructeurs des maisons belles et pas chères (toute ressemblance avec une fédération existante ne serait pas un pur hasard), et son président de commencer un long commentaire sur l’inutilité de l’architecte et de ce qu’il peut être nuisible pour le commerce.
-Monsieur le premier ministre, nous avons obtenu de vous la modification du calcul des surfaces à partir desquelles l’architecte est obligatoire
-C’est pour le mieux, y a-t-il une urgence ? Comme vous le voyez je quitte mes fonctions ce soir.
-Les architectes (qui décidément refusent de mourir en silence) ont réclamé de mettre une limite à nos exigences, c’est inadmissible !
– Ah ? et que puis-je faire pour vous ?
-Il faut impérativement empêcher ces empêcheurs de construire en cube de s’occuper de la maison individuelle, ils ont 4% du marché c’est déjà trop ! Il pourraient montrer au grand public qu’on peut vivre autrement, qu’on peut faire moins cher, qu’il existe autre chose que la boite à chaussures pour se loger ! C’est terrible ! C’est toute notre économie de vendeur de maisons belles et pas chères qui est en péril, sans compter des milliers d’emplois (cet argument étant toujours le meilleur, puisqu’il justifie n’importe quoi)
-Si vous le dites ! Je vais vous signer un décret sur le pouce. Hop, voila c’est fait ! Il dit que tout ce qui a été décidé est caduque. Je vous laisse, mon uber est là. »
Monsieur, l’ex-premier ministre et futur candidat à la candidature, je suis très honoré que vous ayez pensé à nous dans vos toutes dernières heures à Matignon, je suppose qu’il n’y avait rien de plus important que de nous enfoncer une dernière banderille en publiant ce décret. Un décret rien que pour nous, quelle fierté. Dans la profession, nous n’oublions pas, courage François, fuyons.
*limite en dessous de laquelle un architecte n’est pas obligatoire (mais qui construit une maison de plus de 200m² ?)
**merci à Fleur Pellerin pour ces quelques mots à son dernier jour au ministère, ils nous vont droit au cœur.